Une Chanson d'Encre et de Sang
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[CES] Mélodies éphémères

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[CES] Mélodies éphémères Empty [CES] Mélodies éphémères

Message par Jean Neige Mar 24 Oct - 16:36

[Présentation de FIN ci-dessous : ]
Spoiler:

[La rencontre de Finn et du vieil homme au saumon: ]
Spoiler:

[HRP: Topic RP pour FIN. Réupload suite à une maintenance forumactif qui a supprimé le topic.]

Six-cent trente-huit. Six-cent trente-neuf. Six-cent quarante…. Six-cent quarante-et-une… Six-cent... quarante-deux…

Enfin…

Un doute s’insinua dans son esprit. Avait-il compté cent de trop ? Ou mille de moins ? Il n’était plus vraiment sûr. À ce stade, il se demanda s’il ne comptait juste pas des nombres au hasard pour se motiver.

Finn, main sur les genoux, essoufflé, pris le temps d’admirer les reflets rougeoyants de la somptueuse cité avant de reprendre sa course.

Des amantes exigeantes, j’en ai connu, mais de toutes, Port-Réal est définitivement la pire...

Lorsqu'il était arrivé en ville, il ne s’imaginait pas que cette aventure lui demanderait tant d’efforts. Il en avait payé le prix, face à ses rivaux de régiments, face à des échecs sentimentaux. Il ne pouvait plus continuer dans la nonchalance. Vivre au jour le jour n’était pas incompatible avec un minimum d’entraînement.

Pour exister dans ce lieu, il faut toujours se démarquer. C’est à la fois fatiguant et… excitant. Et après tout, de quel genre d’histoire s’agit-il si le ménestrel ne dénote pas du paysage ?

Lorsque les ménestrels chantent à la gloire d’un homme, souvent eux-mêmes, ils ont besoin d’exploits à raconter, parfois extrapoler dessus, mais tout de même.

Mais pour vanter des exploits, il faut avoir quelque chose à exploiter. Logique.

Il détenait désormais des connaissances interdites, grâce à un [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] au fond d'une ruelle d'un quartier marchand. Seulement, il ne savait pas encore comment les utiliser..

Il avait peut-être la théorie. Ne manquait que la pratique. Comment faisait-il, déjà ? Ah oui, très répétitif, à vrai dire.

Tout commence…

…Heure du rossignol. Finn se levait, déjà habillé pour l’effort matinal. Il attrapait un bandeau noir, le posait sur son front, le nouait autour de sa tête. Leonah, réveillée par le bruit, baillait. Finn préparait une tisane à base d’herbes dont lui seul semblait connaître les effets. Leonah était fatiguée. Finn faisait encore du bruit (défaut récurrent chez les musiciens). Leonah râlait. Finn s’excusait, enjoué, et claquait la porte, sous le regard exaspéré de Leonah.
Leonah re-baillait.

Rue de l’Acier. Le jeune adjudant du régiment Caron se frayait un chemin parmi les lève-tôt et les forgerons. Le vieux Jon lui lançait, précisément à la même heure chaque jour, une pomme verte dont il se saisissait habilement en pleine course.

« Merci, l’ami », s’exclamait-t-il à chaque fois.

Finn passait derrière l’étal d’un boucher et  frappait subitement sa viande crue sans raison, avant que ce dernier ne le chasse, lui faisant prendre ses jambes à son cou, sous le regard exaspéré de Leonah (quand bien même elle n’assistait pas à la scène, imaginer Finn en train de le faire était amplement suffisant pour l’exaspérer).

« Reviens ici, petit enfoiré ! Qu’est-ce que tu crois faire à la fin, bon sang ?
- Je bats le boa, l’ami. »

Il faudrait vraiment que je lui offre un dédommagement pour sa viande. Un jour.

Mais, chaque fois, il se disait que c’était ainsi que devait se dérouler son aventure.

Finn rentrait ensuite en caserne, espérant chaque fois croiser son capitaine jetant un œil au drapeau ou le sous-lieutenant Nymor s’acharnant sur un mannequin mystérieux. Mais comme à chaque fois, il semblait venir à la mauvaise heure. Peut-être même aussi la mauvaise période du mois.

Lames jumelles dégainées, Finn enchaînait habilement les coups sur un mannequin d’entraînement, mais il savait que ses tours de passe-passe de ménestrel amateur n’étaient pas suffisants. Jasper du Bourg-d’Azur n’avait pas occis le dragon en s’en tenant à des techniques de roublard.
Face à des colosses tels que son rival dit « le Rouge », il se devait d’améliorer sa force brute.

Après ce sentiment d’insuffisance récurrent, Finn se dirigeait, à chaque fois, à nouveau vers chez lui pour un entraînement physique intensif. Étirements, pompes, levée de poids… La même rengaine tout les jours. Il échappait un cri à chaque effort pour rendre l’action plus dramatique, sous le regard exaspéré de Leonah, roulant les yeux au ciel.

Puis Finn prenait une pause. Se préparait une autre mixture aux odeurs douteuses. Ressortait courir une dernière fois, re-claquant la porte, sous le regard exaspéré de Leonah, qui se fatiguait elle-même à le regarder de manière exaspérée.

Fini de courir. Maintenant, il faut voler.

Finn se dirigeait avec hâte vers les soi-disant six-cent quarante-deux marches menant au Septuaire de Baelor (et pensait à devoir vraiment les compter un jour au lieu de répéter des nombres au hasard).

Voilà à quoi ressemblaient les journées du sergent Caron depuis désormais plusieurs semaines.

Une fois en haut, il admira la vue, et se fit les mêmes réflexions sur son cycle de vie sans fin. Profitant de ce flottement dans le temps et du silence ambiant, il parvint à éprouver un certain enthousiasme face à cette nouvelle vie. Maints défis glorieux l’attendaient, il ne lui restait plus qu’à s’y préparer.

L’aventure qu’il voulait mener, elle se tenait devant lui, sous la forme de Port-Réal elle-même.

Quelques heures plus tard, sous le regard curieux de Leonah, il s’assit en tailleur dans la cuisine de cette dernière, yeux fermés, mains sur les genoux, prenant des profondes inspirations.

« Hum. Qu’est-ce… que… tu fais, là ?
- Shh. Je canalise mon barde intérieur. »

Leonah, levant un sourcil, se saisit de la pomme posée sur la table, apportée par Finn, et croqua dedans à pleine dents.

« Mais, en fait, pourquoi tu t’entraînes autant ? J’aimerais bien comprendre, un jour. Non parce que, c’est pas que j’ai envie de dormir le matin mais…
- Tu as bien vu la pâtée que m’ont mit ces satanés dorniens, l’amie. Même Nymor, avec sa carrure imposante, n’a pas tenu le coup lors de nos affrontements au tournoi.
- Tu ne m’avais pas dit que, la lunaison dernière, il a mit le sous-lieutenant Noran Cendres à terre en un seul coup ? Et il faudrait que tu arrêtes de m’appeler « l’a…
- Nymor et Ezekiel se sont montrés dignes de boire une gorgée d’eau de Rhoyne. Sans doute la même où nageait le Saumon de la connaissance autrefois. Mais je n’ai pas accès à ce genre de talents, il me faut des alternatives. Il m’a montré la Voie, je dois désormais trouver un moyen de l’emprunter. »

Leonah haussa les épaules et tourna une paume vers le ciel.

« L’emprunter pour… ?
- Pour devenir un ménestrel alpha.
- Les Septs soient loués…
- Tu sais, on ne peut pas être n’importe qui et prétendre au titre de prince des harpistes.
- C’est pour ça que tu t’entraînes avec acharnement ?
- Pour faire des exploits, il faut savoir quoi exploiter.
- Non mais, du coup, tu vas courir tout les jours pour ça ?
- L’habit ne fait pas le barde.
- Et que viennent faire la pomme, la viande crue et les marches dans tout ça ?
- Poète qui roule n’amasse pas… euh, j’en sais rien, à vrai dire. Ça m’est venu tout seul.
- Mais un barde, ça fait pas genre, de la musique ? »

Le silence s’imposa dans la pièce. Il eut l’impression de ressentir le même déclic qu’avec le saumon dans la ruelle. Un nouvel éveil spirituel et mental.
Il ouvrit subitement les yeux et vit la vérité se réveler devant lui. Tout semblait désormais clair. Il savait enfin quoi faire.

« Par les anciens Dieux et les nouveaux… »

Comment n’y ai-je pas pensé plus tôt ? Jamais une idée ne m’a semblé aussi sage et judicieuse. La Vérité vient de m’être révélée.

« Je dois aller faire de la musique. C’est ce qui fera de moi le poète de l’ombre et chanteur de lumière.
- C’était pas évident pourt…
- Pardonne-moi Leonah, le devoir m’appelle. Le Saumon vient à nouveau de me révéler ma prochaine mission. »

Finn se leva brusquement et se hâta d’enfiler son uniforme et sa ceinture, avant de se saisir de sa harpe dorée.

« Mais c’est moi qui vient de… Rah, entre toi et tes poissons et l’autre avec son fleuve, y’en a pas un pour rattraper l’autre ! Tu es sûr qu’à force de prendre des herbes bizarres ça ne t’es pas un peu monté à la tête ? Une dose un peu trop importante de ton fameux « sucrelune » peut-être ?
- NE PROFITE ABSOLUMENT PAS DE MON ABSENCE POUR EN PRENDRE ! »

Finn claqua la porte, sous le regard exaspéré de Leonah.

Il courut vers le Bivouac du Reître, où il retrouva d’autres camarades de sa caserne, pour qui il entonna un chant jovial, harpe en main.

Et le lendemain, ce serait reparti pour l’entraînement.


Dernière édition par Jean Neige le Lun 12 Mar - 23:23, édité 3 fois
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Message par kendalch Ven 27 Oct - 14:04

[HRP: "Face à des colosses tels que son rival dit " le rouge" il se devait d'améliorer sa force brute" ...copieur ^^
Un poète n'est pas nécessairement un colosse !!

kendalch

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Message par Jean Neige Ven 27 Oct - 14:19

[HRP: "Un poète n'est pas nécessairement un colosse !!" Cela doit faire sans doute partie des nombreuses remarques de Leonah à l'encontre de Finn durant le mois. Mais il ne semble pas vraiment écouter.]
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Message par Jean Neige Sam 17 Mar - 2:55

[HRP: Premier RP après six mois sans en faire - ça reste toujours ce que c'est, mais j'ai rarement pris autant de plaisir à en rédiger un.]


An 208, lunaison 6. Fin fond des Terres de l’Orage. Plaine ensoleillée, en fin d’après-midi.


« Le début d’la fin d’une ère, le dernier chapitre aigre-doux – de l’enfant de lumière, et de sa tendre… Argh ! »

Le soleil tapait contre son crâne, son étincelante lueur l’éblouissant même à travers ses paupières fermées. Plus que quelques heures, se disait-il, et le crépuscule viendrait le rafraîchir. L’arrière de sa nuque lui grattait, et l’habituelle mèche qui lui pendait sur le front ne cessait de le gêner. Mais il se contentait d’apprécier la sensation de l’herbe fraîche lui caresser les talons.

Car il s’était résigné à rester ici coûte que coûte, harpe en main, en tailleur, tant que l’inspiration ne lui viendrait pas. Un seul vers à finir. Ou plutôt, un dernier vers à terminer. C’était tout ce qu’il demandait. Le dernier mot pour conclure. Rien de plus.

« Les Sept, les Sept… Tu parles, oui! Vous pourriez être un peu plus généreux, là-haut. Merde! »

Il continua de jouer la mélodie, en boucle, espérant trouver comment conclure ce damné vers. Cette suite de notes enjouées finirait par l’agacer plus qu’autre chose, si cela venait à durer. Trois heures qu’il venait de passer là à y réfléchir – les paroles lui étaient venues en quelques instants, mais ce satané mot invisible avait décidé de faire obstacle à son art naissant.

« Mémoires et regrets, et médailles de poussière! Au chevet d’la mort auprès d’une–  »

Une soudaine brise lui hérissa les poils, le coupant dans sa lancée. Un pressentiment s’empara de lui.

Elle le regardait.

Il en était sûr et certain.

Ses doigts continuèrent à pincer courir le long des cordes pendant un moment, tandis qu’il s’efforçait à rester concentré sur la mélodie.

La paupière de Finn s’ouvrit légèrement, observant, au loin, la vieille cabane du coin de l’œil. Affalée sur sa chaise, jambes croisées, bras derrière la tête, brin de paille entre les dents – c’est avant tout son grand sourire moqueur qui frappa Finn. Il ne pouvait discerner ses yeux, dissimulés sous son chapeau de paille, mais cela n’avait pas d’importance : il ne connaissait que trop bien le regard qu’elle posait sur les gens habituellement.

Elle siffla brusquement à son attention.

« Jolie chanson, gamin », s’exclama-t-elle. « Viens, tu veux? »

Le jeune homme serra les dents, partagé entre embarras et agacement, et s’empressa de parcourir la distance le séparant de la dame. S’agissait-il de paroles sincères ? D’une moquerie ? D’une phrase en l’air ? L’air suffisant de la dame parvenait à rendre n’importe quel compliment profondément ambigu.

Encore qu’une dame… cela restait difficile à dire.

Nul ne pouvait être indifférent à cette aura : son physique n’était ni celui d’une paysanne, et encore moins celui d’une ermite. Richement vêtue, nul doute qu’on l’aurait prise pour une lady, voire princesse – ou, peut-être même, une reine d’un lointain pays.
Mais la réalité était bien éloignée de tout ces fantasmes, car c’était en homme qu’elle était habillée: chemise, chausses, bottes, chapeau de paille; le genre d’attirail qui n’aurait jamais été convenable pour une lady digne de ce nom.
Il n’y avait pas là une volonté de se dissimuler: elle continuait à porter sa longue chevelure sombre, et ses formes purement féminines pouvaient difficilement ne pas être distinguées. Elle était ainsi car elle le voulait – rien de tout cela n’étant commun dans ces terres, cela effrayait les petites gens plus qu’autre chose.

Personne ne connaissait réellement son âge. Une vingtaine d’années ? Trentaine ? C’est ce que laissait présager son apparence, mais une étincelle dans son regard semblait indiquer une expérience bien plus grande. Les rumeurs lui attribuaient des siècles d’existence; et les villageois des environs finissaient par croire aux pires superstitions, de la « sorcière » à la « démone ».

D’où venait-elle ? Un mystère également. Une peau pâle de nordienne, une onctueuse chevelure charbon d’orageoise, laissant parfois apparaître des reflets violâtres au coucher de soleil, rappelant les teintures propres aux peuples d’au-delà du Détroit. Princesse sauvageonne; fantôme orageoise; lysienne exilée; enfant de la vieille Asshaï-lès-l’Ombre : les histoires continuaient à se multiplier, mais aucune ne semblait réellement crédible.

Elle n’avait pas de nom. Les passants la surnommaient « l’Ermite », « la Sorcière », ou, parfois même, « dame de l’Ombre » pour les plus pieux et craintifs.

Certains s’étaient même habitués à l’appeler « Ombre » par habitude.

Mais dans le cas de Finn, c’était tout autre chose. Quand il devait s’adresser à elle, elle n’avait plus qu’un seul nom: « Maître ».

Le jeune homme approcha timidement, scruté de haut en bas par le regard d’ambre de sa mentor. Leurs yeux se croisèrent brièvement, mais étant encore partagé entre l’effroi et la fascination, il préférait éviter de trop la fixer. Ombre but nonchalamment une gorgée de sa chope de bière, continuant à observer son disciple.

« Me voilà », dit-il. « Un problème, Maître ?
– Pas vraiment. Mais tu semblais avoir des difficultés à finir ton petit chant. Quelque chose te tracasse ? »

Le poids de son jugement était tel qu’il était difficile pour Finn de lui répondre – quand bien même tout semblait aller pour le mieux. Son regard se mit à vagabonder, remarquant  le long bâton de bois de la dame posé sur une petite table à côté d’elle, ainsi que l’épée de Finn lui-même, encore dans son fourreau. Il fit un pas en avant pour l’attraper, et l’accrocha à sa ceinture, par réflexe.

Depuis qu’il avait commencé son apprentissage, il évitait de s’en séparer le plus possible.

« Non, j’pense pas. »

Ombre posa les deux pieds au sol, appuyant ses bras sur les accotoirs pour se relever – tandis que lui, distrait, se contentait de poser sa harpe contre le mur de la cabane. Son inattention allait à nouveau lui jouer un tour.

Elle se saisit vivement du bâton et fendit l’air pour atteindre Finn. Ayant à peine le temps de dégainer, il se prit le coup de plein fouet, en plein avant-bras.

« Trop lent ! », s’écria-t-elle souriante. Elle prenait plaisir dans cet enseignement à la dure, il l’avait très vite compris.

Il aurait sans doute connu des gens choqués par ce genre d’agissements, mais il ne  voyait aucune cruauté dans sa démarche. Finn n’était en rien prisonnier de ses coups : il s’agissait là de son choix, celui d’apprendre par la pratique, quitte à se faire quelques bleus. Et il n’y avait personne de mieux placé qu’elle pour lui enseigner la vie comme nul autre ne le ferait.

S’entama alors un jeu de jambes de la part des deux adversaires, les amenant à dépasser le seuil de la cabane pour se retrouver à batailler sur la plaine. Fer et bois se croisaient continuellement, et, étonnement, l’arme rustique de sa féroce adversaire ne semblait avoir aucun mal à rivaliser avec sa lame.

« Fait attention à tes mouvements – tes jambes, gamin. Tes jambes. »

Un, deux, trois – les deux armes s’entrechoquaient avec vélocité; une rapidité découlant d’Ombre plutôt que du jeune Finn. Elle fit tournoyer le bâton, le lâchant pour le rattraper aussitôt par le bout, assénant un coup d’une portée considérablement plus longue.

Finn fit un pas en arrière, voyant l’arme lui frôler le torse. Pendant un court instant, il se demanda l’intérêt de ses agissements, et essaya de se remémorer sa rencontre avec Ombre. Il ne se souvenait même plus de quand il s’était décidé à aller la voir; passant alors moins de temps auprès de son père marchand, reléguant à ses employés et le reste de la famille; mais il se souvenait encore moins de quand cette collaboration avait débuté – ni même pourquoi.
Mais il n’avait pas de doute sur le fait, qu’au fond de lui, un désir enfoui le poussait à continuer sans relâche.

Précision et habileté permettaient à Ombre de garder l’ascendant, et d’éviter que Finn puisse avoir une quelconque chance de couper le bâton en deux. La dame le frappa d’estoc en pleines côtes, l’obligeant à reculer brusquement.

« Un peu de nerfs ! Si tu conclus tes batailles comme tes chansons, tu ne va pas aller très loin. »

La remarque le blessait plus que les coups – mais au fil du temps, il avait appris à s’en amuser. Peut-être que lui aussi prenait du plaisir à apprendre par le bas.

La passe d’armes fut pauvre en performance et peu concluante pour Finn, qui ne tarda pas à se montrer très vite dépassé. Elle mit un terme à l’entraînement improvisé de façon aussi abrupte qu’il avait commencé : clac, coup dans le genou – clac, l’autre à terre.

Essoufflé, Finn s’agenouilla, lâchant l’épée au sol.  Il releva la tête en direction d’Ombre, la voyant se tenir fièrement, sourire aux lèvres, regard vers l’horizon, bâton sur l’épaule. Si un coup de vent s'était mis à faire flotter sa chevelure, elle aurait semblé sortir tout droit d’un conte ou d’une légende.

« Maître, vous êtes incorrigible.
– En effet, gamin. Incorrigible est le bon mot. Mais tu n’étais pas mal non plus – j’espère que tu excelleras là-dedans aussi. »

Le jeune homme fut pris d’un rire nerveux.

« De quoi vous parlez, maître ? Pourtant, tout ça – c’est pour m’améliorer, non ? Faire de moi un homme, une connerie du genre, je sais pas ?
– Je ne parle pas de persévérer dans ta maladresse du combat, Finnegan…
– Hum, c’est… En fait, c’est juste Finn…
– …mais d’exceller dans ce que les bonnes gens verraient comme tes défauts, ou même des tares. J’ai bien compris pourquoi tu traînes ici, gamin. La raison pour laquelle tu es venu à moi, et que tu ne passes pas tes journées auprès du commerce de ton vieux, ou à dépenser tes richesses. »

Le vent se contenta de répondre à sa place, tandis que les nuages se rassemblaient peu à peu, et le soleil se couchait lentement au loin de la scène. Le jeune homme fut interpellé par la remarque: Ombre n’avait jamais été autre chose que sincère, mais c’était bien la première fois qu’elle lui adressait des paroles aussi franches.

« Si tu es venu à moi », reprit-elle, « c’est parce qu’en ayant tout, tu finis par ne rien avoir. Et ne croit pas que je m’amuse à te raconter des bêtises. En possédant tout ce qui peut combler un jeune homme tel que toi, tu finis par ne rien obtenir de concret. Ta vie est simple, monocorde depuis dix-neuf printemps maintenant, tu ne manques de rien, et ne prends plaisir dans aucun accomplissement, gamin. »

Ombre tendit son bâton vers Finn, et lui releva le menton.

« Depuis tout ce temps, tu cherches à trouver un moyen de vivre. De croquer la vie à pleine dents. Un moyen de te sentir vraiment vivant. Regarde-toi, avec ta harpe à deux sous, te forcer à composer des poèmes ou des chants à la va-vite pour te convaincre que tu verses dans l’art », continua-t-elle en se retournant, et s’éloignant vers la cabane. « Je ne t’appelle pas par ton vrai nom, tu disais ? Je m’en moque, car je joue par mes propres règles, gamin. C’est exactement ce que tu cherchais en venant ici. Un moyen de déjouer les règles de ton existence quotidienne, de surpasser les codes, d’apprendre, d’expérimenter – de vivre tout ce que tu pouvais vivre. »

Ombre reposa le bâton sur sa table, et se saisit d’un petit sac de toile, avant de revenir sur ses pas, sourire en coin.

« C’est ça, être incorrigible, gamin. C’est avoir la tête haute, sourire à pleine dents face à la masse, et lui dire des insanités. C’est s’adonner à faire ce que nul ne peut faire aisément pour la plus simple et la plus bête des raisons : aucune ! Si ce n’est vivre. Chanter, danser, se battre, boire, manger, cueillir des fleurs, cuisiner des mixtures, s’allonger dans l’herbe – et mille autres bêtises qui ne font que t’aider à sentir quelque chose dans ta misérable et pathétique existence. Ha! »

Elle jeta le sac devant ses yeux – le geste le surprit suffisamment pour qu’il ne pense même pas à le rattraper. Ouvert, il laissa entrevoir son contenu : l’éclat aveuglant d’un objet doré.

Ombre s’accroupit, pris le visage de Finn et le plaça face à elle.

« Regarde-moi quand je te parle. »

Elle se saisit de son poignet, et plaça des objets dans sa main – des pierres de petite taille – avant de la resserrer fermement.

« Tu as dit que tu voulais partir, gamin, c’est ça ?
– …Euh… Ouais, maître. Enfin, j’ai jamais été trop sûr.
– Si tu veux partir, Finn, va. Quoique tu fasses sur la route. Tu as pris goût à pousser la chansonnette, peut-être serait-il judicieux pour toi de continuer sur cette voie – mais, n’oublie jamais ce que je t’ai dit. La vie d’aventurier, de barde, de ménestrel, même cette vie du jour le jour ne sera pas de tout repos, et c’est pourquoi tu dois toujours garder mes enseignements en tête. Si tu veux profiter de ton existence, il n’est plus question de se reposer.
– Je… Je vous avoue, maître, ça m’effraie un peu, tout ça.
– Ne le sois pas. Un jour, tu auras envie de te mêler à nouveau à la masse, de revenir dans le courant. Mais cette fois, ton expérience te permettra de voir au-delà de qui tu étais auparavant, et te mènera bien plus loin que ne te le permettrait ta petite vie aisée. Et tu vivras non pas comme Finn, le gamin à la harpe, l’escrimeur maladroit, le disciple de l’ermite. Mais comme un chevalier, un lord, un héros. Je le sais au fond de moi. »

Le visage d’Ombre si proche de sa joue – le jeune Finn s’attendait à recevoir un baiser affectueux, mais fut ramené très vite à la réalité. Elle se releva, s’étira et rebroussa chemin vers sa cabane, devant les yeux écarquillés du jeune homme. Perdu, déboussolé, il ouvrit la main, et observa les pierres que lui avait donné sa mentor, ornées de motifs peints, de symboles.

« C’est quoi, ces trucs ?
– Des reliques dotées d’un ancien pouvoir. Apprend à les maîtriser, et tu sauras les utiliser à bon escient pour te sortir d’une impasse.
– Hé, faites pas genre, c’est juste des cailloux avec des dessins gribouillés dessus ?
– Bien évidemment, gamin. À quoi d’autre t’attendais-tu ? Mais peu importe ce dont il s’agit vraiment. Ce qui importe réellement, c’est ce que toi tu veux qu’ils soient. Laisse ton imagination dépasser le carcan des idiots et des incrédules. Ce grain de folie te permettra de choquer, de surprendre, de faire rire, pleurer, d’énerver, et surtout te démarquer – et lorsqu’un beau jour, tu cesseras d’arpenter les routes et décideras de t’installer, plus tu te démarqueras, et plus tu parviendras à être admiré. Ce sera ta force. Sois incorrigible, souviens-toi. »

Ombre s’éloignait encore, tandis que Finn était encore à genoux sur la plaine. Il l’observa ouvrir la porte de la cabane, et bien qu’il n’avait pas encore rassemblé ses affaires, il avait le sentiment que cette discussion marquait malgré tout la conclusion de quelque chose… la conclusion d’une histoire…

Lorsqu’il se saisit du sac de toile laissé par la dame, il y découvrit une somptueuse harpe dorée, polie, dans laquelle il pouvait presque discerner son propre reflet. Avant qu’Ombre n’entre dans sa modeste demeure, Finn clama une dernière question.

« Et ça, c’est pour quoi ? D’où vous sortez ça ?
– C’est ton grain de folie, Finn.
– Je… »

« Oh, j’oubliais ! » s’écria-t-elle à son tour, tournant la tête. « Garde-fou. »

Finn haussa un sourcil.

« Pardon ?!
– Le mot que tu cherchais. Pour finir ton vers. C’est Garde-fou. Fais-en bon usage… L’ami.»

Il croisa le regard d’Ombre une nouvelle fois, se perçant l’un et l’autre leur yeux d’ambre. S’il n’était pas du même sang qu’elle, il se plaisait à croire qu’ils avaient eu ces mêmes iris pour une bonne raison.

218, lunaison 6. En route pour Ibbish. Campement du régiment Caron. Quelques jours avant la bataille.

Un flocon se posa sur son nez. Les bottes recouvertes de neige, Finn s’avança du feu de camp pour se réchauffer, en vain. Le froid glacial l’atteignait malgré tout à travers ses différentes couches d’armure et de fourrure. Il fouilla dans une de ses poches, longuement, craignant les avoir perdues dans le chemin.

Ah, vous voilà.

Il posa une pierre marquée d’un étrange symbole devant ses pieds. « Que du froid », se dit-il. « Pense à une cheminée. C’est rien que du froid. Rien de grave. » Rien qu’un caillou, se souvint-il. Mais cela ne coûtait rien que de se rassurer avec des bêtises.

Voyant les mines grisonnantes de ses camarades, entre les craintifs, les pessimistes, les désespérés et autres suicidaires, Finn se saisit tant bien que mal de sa harpe, accrochée au dos. Trois notes suffirent à attirer un peu d’attention dans le bivouac morose.

« Mémoires et regrets,
Et médailles de poussière,
Au chevet de la mort auprès d’une fille de lavandière – car c’était
La fin de ses passes armées,
L’irraisonnable guerre!
La fatale destinée
D’un enfant de lumière…

Les larmes désemparées,
La nostalgie meurtrière…
Perdant toute volonté
En refermant ses paupières.
Le dernier mot à accepter,
Pour la fille de lavandière
Maudite vie que d’épouser
Un enfant de lumière!

Arpentant les cimetières,
Une âme sœur de caractère
Hantant cabanes et chaumières
Vagabondant en remous
Le début d’la fin d’une ère,
Le dernier chapitre aigre-doux
De l’enfant de lumière,
Et de sa tendre garde-fou…
»

Quelques soldats le félicitèrent, sans que l’atmosphère ne parvienne à se détendre beaucoup malgré tout. L’un d’eux se rapprocha, l’interpellant.

« T’es l’adjudant, c’est ça ? Finn ?
– C’est bien ça, l’ami.
– T’as l’air bien joyeux pour un adjudant… C’est pas le genre de poste qu’a tendance à attirer beaucoup de nouveaux venus…
– On va dire que c’est… hum… un genre de folie. »
Jean Neige
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